Dans le prolongement de l’Info-news précédente, nous poursuivons notre exploration de la compréhension culturelle en nous basant sur le monde audiovisuel et ses productions de téléfilms ou séries en Afrique de l’Ouest. Nous avions émis modestement l’hypothèse que certaines séries peuvent permettre d’avoir des informations pertinentes sur certains peuples quant à leurs habitudes et comportements. Nous avons terminé la newsletter n°86 en posant quelques questions. Nous souhaitons tenter de réfléchir à certaines d’entre elles dans ce billet n° 87 à travers la web série « Maitresse d’un homme marié ».
Pour commencer, il s’agit d’une série sénégalaise de trois saisons dont la première diffusion a eu lieu le 25 janvier 2019 sur une chaine locale et sur la plateforme Youtube. Elle a d’abord été créé en langue Wolof avec des sous titrages mais a très vite été doublé grâce à l’intelligence artificielle en Français et en Anglais. Ce qui a permis qu’elle occasionne quatre vingt sept millions de vues sur la plateforme vidéo VOD. De plus elle est disponible sur la chaine BET Awards.
Elle a été vue comme une série féministe d’autant plus que la créatrice K. Sy qui est la scénariste est particulièrement engagée dans son pays contre les violences faites aux femmes et traite par ailleurs de sujets comme le handicap, l’infertilité masculine, le désir de maternité pour les femmes etc. Elle était journaliste de formation mais a décidé de lancer sa propre société de production depuis quelques années bien que la série maitresse d’un homme marié soit produit par la société Marodi Tv.
Nous n’allons pas présenter le synopsis qui est visible sur les réseaux sociaux concernant cette série. Nous allons plutôt parler du premier épisode de la première saison et essayer de dire ce que nous comprenons de la société sénégalaise à travers les défis rencontrés par les personnages féminins mis en scène.
Bien que l’histoire tourne autour de cinq femmes, nous allons présenter les quatre personnages qui permettent de planter le décor dans l’épisode une de la saison une.
- Nous avons d’abord l’archétype de la « femme parfaite » : mère, épouse, travaillant à son compte,
- Il y a ensuite la « naïve » : mariée à un alcoolique, mère de deux enfants, cherchant une promotion dans son travail
- Vient après le « garçon manqué » célibataire sans enfants, vivant avec sa mère, travaillant dans le BTP et croulant sous les dettes
- Enfin, il y a le personnage principal « l’ambitieuse » qui cherche à prendre la place de la femme parfaite dans son foyer et à obtenir une promotion grâce à une présentation que sa binôme au travail aura faite, bien qu’elle précise qu’elle y a contribué.
Ce premier épisode nous présente des femmes dont les vies vont s’entremêler, se croiser autour d’intrigues familiales traitant de viol, d’infidélité, d’héritage, de mariage forcé etc…
Nous avons été frappés par la place qu’occupe les relations conjugales dans la perception de la réussite sociale des femmes. A travers ces personnages, la créatrice a certainement voulu susciter un débat et des réflexions en grossissant certains traits des personnages. Ceux qui préfèrent attendre que les autres construisent pour venir détruire et tout prendre sans scrupules. Celles qui pensent avoir réussi une fois qu’elles ont coché les cases des critères de réussite sociale et qui ne se soupçonnent aucun mal. Celle également qui compte sur l’amitié sincère pour réussir à obtenir une promotion niant les problèmes conjugaux de son amie. Et la naïve qui est abusée par son conjoint et son amie. De même, celle qui travaille dans le bâtiment qui est bousculée par sa mère qui dépend d’elle financièrement.
Cette série a suscité beaucoup de critiques de la part des associations religieuses malgré son succès populaire et international au sein des populations diasporiques sénégalaises et africaines en général. Il semble qu’ils aient reproché à la créatrice et aux responsables du projet de véhiculer une image de dépravation du pays et d’encourager des mœurs légères alors que ceux -ci pensent l’avoir décrite telle qu’elle est. Ce qui pose un problème de perception entre les leaders d’opinion et la réalité de la société. Qu’est ce que ces débats ont provoqué au niveau des politiques familiales ? Des violences faites aux femmes ? Des mariages forcés ? des activités invisibilisées qui n’occasionnent aucune retraite et qui laissent les parents âgés à la charge de leurs enfants comme nous le voyons pour le personnage qui travaille sur les chantiers ?
De l’autre côté, les problèmes rencontrés par le personnage de la « femme parfaite » nous renforce dans l’idée que la réussite sociale (du moins lorsqu’on coche certains critères) fait de certaines personnes une cible à abattre encore plus dans certains environnements. De la même façon, que les entreprises ou start-up à succès font l’objet d’opérations hostiles et de tentatives d’acquisitions prédatrices, le Sénégal qui met le curseur sur le mariage et les relations conjugales dans cette série, donne l’impression que les mariages heureux sont convoités par les coureuses de dot.
C’est le rapport au travail qui nous interroge et nous ne le faisons pas dans le but de stigmatiser le Sénégal puisque des situations similaires se retrouvent dans bien d’autres pays. Elles sont toutes en activité et recherchent une indépendance financière et une autonomisation qui peine à se mettre en place du fait des difficultés familiales qui stérilisent les efforts mis en œuvre. Une montée en compétence pour correspondre aux normes internationales est -elle vraiment possible pour ces femmes ? A part chercher à recruter des expatriés, ceux qui travaillent à l’étranger, comment pourrait-on s’y prendre pour mettre la diaspora ou d’autres bonnes volontés au service des évolutions internes des entreprises locales ?
Nous avons d’abord pensé à mettre en place durant notre travail doctoral un projet de création de plateforme de mise en relation entre les pays du sud et ceux qui avaient des expertises à vendre à l’étranger bien que nous n’ayons pas été jusqu’au bout car nous avons préféré le projet lié à l’application « Or en pépites » qui nous semble plus utile dans l’immédiat et universel. Cette idée avait alors germé suite à un voyage professionnel à Dakar au Sénégal dans le cadre de notre thèse de doctorat lié à l’entrepreneuriat féminin à la fin de l’année 2017.
Même si cette diaspora quelle qu’elle soit, arrive à se frayer un chemin sur le marché africain, comment est-elle accueillie dans le cadre professionnel ? Les difficultés familiales lui sont -elles imposées alors qu’elle en a perdu l’habitude en Occident ? Une médiation étatique est-elle souhaitable pour ajuster les relations et les rendre plus professionnelles ?
Nous proposons d’en discuter dans la prochaine Info-news.
Nous vous remercions de nous continuer à nous suivre sur notre page Zs Conseils et notre application « Or en pépites ».